Le confident, un roman qui coule

Article : Le confident, un roman qui coule
Crédit: Papiersetc
6 septembre 2024

Le confident, un roman qui coule

Et si votre mère n’était pas votre mère? Et si votre histoire n’était pas votre histoire? Et si votre vie n’était pas votre vie? Et si tout de ce que vous avez vécu, connu de vous même n’était, en réalité, qu’une histoire tissée dans le désespoir de quelqu’un qui a voulu sa part de soleil dans une vie broyée d’ombre? Et si un bon matin tout ceci vous éclate au visage?

Lecteur, lecture. CP: Iwaria

Parfois, on tombe sur les bonnes choses quand on n’y prête pas attention ou bien quand on s’y attend le moins. Y a quelques années de cela, je suis tombé sur un roman. Je l’ai lu d’un trait. Et il m’a plu, immédiatement. C’était comme quand j’ai lu « l’impure » pour la première fois. J’ai été tout simplement admiratif devant ce roman. Les choix si simples de Guy des Cars, sa façon d’écrire. Il m’a fallu cependant retombé sur ce livre, le lire d’un trait, encore, pour enfin saisir quelques miettes d’une histoire d’amour et de haine qui, après des années, venait chambouler l’existence d’une jeune femme et lui raconter sa vie, la vraie, à travers plusieurs lettres les unes avec beaucoup plus d’intrigues que les autres. Sur fond de deuxième guerre mondiale, avec une main de maître, Helène Gremillon nous offre une quête de vérité à travers l’histoire de Camille/Louise. Rien n’est vrai. Rien n’est faux. Tout est possible à travers les lignes.

Jusqu’à ce que la dernière page nous sépare

Quatrième de couverture du roman d’Hélène Gremillon. Le confident. CP: papiersetc

Ce qui me fait aimer un livre, c’est d’abord le suspense. Autant que le suspense est fort, autant que je me tends à l’histoire afin qu’elle m’amène vite mais surtout sans laisser miette. L’impatience, un défaut que j’apprécie, chez les autres comme chez moi. Je suis patient seulement avec un bon livre. Vous me verrez alors m’asseoir, comme ce chien affamé, avide de chair, pour s’épargner un peu de faim. Helène sait comment me tenir en laisse. Chaque lettre renferme quelque chose que le lecteur n’aurait pas soupçonner avant. De l’enfant qu’était Annie jusqu’à ce quelle devienne une pute, mais quelle route, mais que d’énigmes et de mystères. Pour Camille/Louise, comme pour le lecteur. Elle (l’auteure) nous met dans la peau de la jeune femme qui vient de perdre sa mère pour nous emmener à chercher avec elle. Pour aller jusqu’au bout. C’est un roman policier qui n’en est pas un.


Et ensuite, il y a cette répétition dans les chapitres, dans les phrases. C’est un roman écrit deux fois dans le même livre. C’est là ma deuxième façon d’aimer un livre. La façon d’écrire de l’auteur. Dans ces si longues lettres, on ne se perd jamais en chemin. Et tout en douceur, des phrases pour nous rappeler qu’un roman peut être chasseur de poème également. Pour nous rappeler qu’un roman est chasseur de poème également. Faut croire que, toujours, le poème veille. Je me souviens avoir participé à un atelier d’écriture poétique avec Bonel Auguste, sacré poète qu’il est. Pour lui, l’image est signature de la poésie, le désordre, le chaos qui fait la beauté de l’écrit. Je crois que ça vient de là, en partie, mon émerveillement devant une phrase que “m te dwe jwenn avan”, comme nous avions l’habitude de dire quand l’un de nous accouchait une image digne du poème.


Pour finir, y a cette part de folie dans chaque personnage. Annie est folle pour avoir suggéré. Madame M. est folle pour avoir accepté. Son mari est fou pour avoir succombé. Et les domestiques sont fous (qu’auraient-ils pu faire?) pour avoir pris part à tout ça. Comme si Hélène savait mon admiration devant tout ce qui est fou, elle a su me parler dans cette histoire où les personnages qu’elle nous confie savent comment faire.

Y a de ces livres qu’on a envie de fermer qu’à la dernière page (tout en se demandant s’il ne pouvait pas y en avoir d’autres).

Un roman tiré à hauteur d’homme

Etre égoïste c’est s’élever au niveau de la race humaine. C’est oser trahir, briser, et même tuer pour ce qu’on a toujours voulu avoir. Madame M est le parfait exemple de l’être humain qui se bat pour une cause, écartant tout au passage. Si vous lisez ce livre avec un œil humain, vous verrez que chacun à son madame M. caché quelque part au fond. Cette part qui n’a peur de rien pour obtenir. Vous l’avez peut-être recouvert d’un peu de douceur, d’un peu d’amour, d’un peu de crainte, d’un peu de conviction, de foi (je ne sais pas en quoi ni en qui). Croyez-vous que Madame M. n’a pas aimé ? Elle ne croyait pas? Etre humain c’est peut-être s’assurer d’avoir ce qu’on a mérité. Qui sait?
Les écrivains sont des artistes qui élèvent le mot au niveau du pinceau. L’inverse est aussi vrai. Mais, n’en parlons pas. Le confident a reçu plusieurs prix littéraires. Je sais désormais pourquoi.

Étiquettes
Partagez

Commentaires